Patrice

Patrice

mercredi 07 février 2024 - 20h30
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Rocher de Palmer

La parole à l'organisateur

Soyons honnêtes : Nous sommes tous plus ou moins prisonniers de nos écrans, le cerveau matrixé par les algorithmes de nos smartphones, les yeux scotchés sur des milliers d’images filtrées, retouchées, étalonnées... Nous vivons dans un monde ou une seule photo doit pouvoir résumer l’essentiel, un monde ou n’importe quel message doit pouvoir se contracter en une story de 30 secondes. C’est le mal de l’époque, car ces clichés aguicheurs, ces montages cuts et ces pitchs trop succincts trahissent la réalité, ils n’en sont que des reflets difformes. Les musiciens comme Patrice souffrent plus que les autres de cette hyper consommation d’images préfabriquées qui altèrent notre perception de la société, en particulier de l’art et des artistes.

L’intensité et la fougue avec laquelle il vit sa musique en voyageant autours du monde ne peut se résumer aux traces qu’il laisse sur les réseaux.

Les musiciens aussi aventureux que Patrice sont rares, souvent difficile à suivre artistiquement, physiquement, géographiquement... Patrice est à la fois ce chanteur acclamé dans les grandes salles de Paris à Berlin, et ce type en salopette dans les collines jamaïquaines, transpirant à grosses gouttes sous le soleil, pour construire de ses propres mains la maison et le studio dont il rêve depuis toujours. « On a débroussaillé une parcelle au milieu de la jungle. On a installé l’eau et l’électricité, et on plante de quoi être auto-suffisant. Au studio, j’enregistre avec tous les genres d’artistes du pays, des vrais rastas authentiques et aussi des gangsters qui rentrent dans la cabine avec leurs flingues à la ceinture. La Jamaïque est toujours un pays imprévisible, même quand on y habite. C’est un lifestyle très différent que pendant les périodes ou je suis en Europe, et j’adore ça. »

Il vit entre Kingston, Cologne, New-York et le reste du globe. Il chante « I’m from free town and that’s in zion » sur le beat afro-dancehall de « Never Will I let You Go” feat Simi (star nigériane de l’afropop). Ses voyages incessants sont toujours la principale source d’inspiration de ses chansons. Les rencontres fortuites et les expériences vécues lui procurent cette énergie créative qu’il restitue ensuite à son public, parfois dans des happenings au petit matin. Le principe de ses fameux « Sunrise Concerts » est simple : parfois, lorsqu’il débarque à Brooklyn ou à Marseille, il poste un message : « Hey, je suis dans votre ville ! Où est ce qu’on peut le mieux apprécier le lever du soleil chez vous ? » En fonction des réponses, il improvise un concert acoustique gratuit à l’aube, juste lui, sa guitare, son ampli, et les gens. « On m’avait dit : « personne ne se lèvera à 5 heures pour venir écouter de la musique », mais on était 5000 à Cologne, l’autre matin. Des milliers de personnes ont chanté sur la montagne du Puy de Dôme, c’était magique. Sous un pont de l’Hudson River à New York, c’était pas mal aussi. L’idée, c’est de provoquer des moments exceptionnels. Qui a décrété que les concerts devaient être donnés forcément le soir, dans une salle, avec une idole sur un podium, et le bon peuple qui applaudit. Je veux revenir à la liberté de chanter tous ensemble. Je veux casser la routine des concerts, même pour moi, j’en ai fait tellement... Est-ce qu’on ne devrait pas chercher à réinventer nos vies en permanence ? J’essaie de continuer à me poser des questions essentielles. »

Sur la chanson « Sun Is Out » , refrain soulfull et chœurs pop, il célèbre ces précieux instants de communion ou le temps se dilue. C’est quasiment le leitmotiv de ce nouvel album : magnifier le plaisir d’être ensemble, croire en nos rêves, chérir des valeurs essentielles de liberté et de sincérité, tout simplement. Ces thèmes universels inspirent les artistes depuis des millénaires, et Patrice les orchestre à son tour de façon singulière. « Such Is Love » n’est pas tant une chanson d’amour qu’une chanson spirituelle sur le sentiment d’amour, entrainée par une cadence rocksteady acoustique qui rappelle les premiers 45 tours de Ken Boothe ou The Wailers.

Pour terminer ce nouvel album en compagnie des compositeurs africains 2B on the beat (Ben Mazué, Mayra Andrade) et Akache (Wally Seck, Runtown), il n’a pas hésité à retourner à Dakar. Il avait pourtant failli y laisser la vie lors d’un précédent séjour, malade à crever de la malaria. « C’est un détail, dit-il quand on lui rappelle cet épisode. Pour moi Dakar, c’est surtout la ville ou j’ai donné certains de mes meilleurs concerts, comme quand j’étais invité par Youssou Ndour à son festival, un autre grand souvenir. »

Les multiples évolutions des rythmes africains ont imprégné plusieurs compositions de ce nouvel album, mais Patrice évite soigneusement de reproduire l’afropop de Lagos qu’on entend partout actuellement. Les pulsations ouest-africaines infusent différemment le beat de « No Want » ou la soul de « Stamina ». On reconnait aussi l’influence éternelle de Fela dans les cuivres de « Become Who You Are ».

Ce disque est criblé du chiffre 9, comme le nombre de titres au tracklisting. Comme la somme des albums réalisés en son nom depuis plus de vingt ans. Comme le jour de son anniversaire (9 juillet), et comme le nombre de mois qu’il faut pour accoucher d’un nouvel enfant. « 9 », parce que ce disque est une vraie renaissance après une longue absence, prolongée encore par la pandémie. Patrice en a profité pour perfectionner son savoir-faire dans d’autres domaines que la musique : les clips qu’il réalise lui-même, le merchandising qu’il fabrique lui-même, les tournées qu’il organise lui-même, etc. Son label Supow Music est devenu un modèle d’indépendance artisanal, pour les enregistrements comme pour les tournées. « Je ne cesse de remercier le public et la vie car mes concerts sont toujours pleins. Je crois que les gens savent que je n’essaie jamais de leur vendre un produit, on est ensemble pour partager une vraie expérience à chaque fois, et on se sent bien comme ça. »